A review by prunedus
Regarde les lumières mon amour by Annie Ernaux

2.75

objet d’écriture vraiment prometteur mais pas assez/pas bien investi?? 
jai toutefois aimé les passages sur l’usage littéraire bourgeois, (dichotomie objets d’écriture dits “hauts”/ceux dits “bas”, dont les limites ne cessent d’être reconfigurées en phase avec l’évolution du champ littéraire)
jai toujours adoré les contrepieds que prend Annie Ernaux avec son attention répétée au trivial, au matériel, au détail.  mais ici l’impression qu’elle en fait plus une revendication qu’une réelle mise en œuvre.  Il y a des éléments bien retranscrits et des reflexions pertinentes (la différente gamme d’affects éprouvés lors du passage m aux caisses par ex, la racialité/le classisme spatial.e des hyper, les stratégies commerciales qui bullshit sur l’éthique etc), mais le tout reste superficiel je trouve. peut-être dû aux prémices de réflexion sociologique qui demeurent assez minces ? Sentiment d’à peu près sociologique qui dénote négativement de l’écriture du détail. je suis aussi sceptique quant aux passages un peu plus grandiloquents sur l’hypermarché comme lieu de côtoiement par excellence d’une grande palette de groupes sociaux. bof. 
toujours le risque de tomber dans la sublimation et la poétisation de gestes éprouvants en en gommant les relations de pouvoir systémiques qui en sont la cause. mais je trouve que la mise en écrit de ces gestes et de ces moments de vie auxquels elle assiste démontre plutôt d’une (re)valorisation — passer du naturalisé et donc de l’invisible à l’encré, donc au visible, donc au questionnable. 
importance de se situer, ce qu’elle ne fait pas assez à mon avis, laissant place à des moments de légère ambiguïté (regard (blanc, colonial) sur ce qui l’entoure plus ou moins conscientisé?).  quelques passages lors desquels elle ne cache pas les biais (racistes en l’occurrence) qui structurent sa lecture du monde et en impactent la mise en écrit. mais manque toutefois une explicitation/reflexion plus approfondie de la conscience de la position dominante de l’autrice (sur le plan de la race) pour que lea lecteurice mette à distance et problématise correctement son regard. Risque de succomber à son autorité autoriale. 
enfin il y a la question des courts passages ponctuant le livre sur les écroulements d’usines au Bangladesh — écroulements causant la mort de milliers de travailleureuses exploité.es par les multinationales, dont les produits sont vendus dans les hyper. je trouve ça pertinent de mettre l’accent sur la scission de réalité entre celle du/de la consommateurice europeanocentré.e et celle de l’ouvrier.e. les passages sont intégrés lâchement au reste, ce qui d’un côté peut souligner cette disruption de réalité en tant qu’élément problématique, mais d’un autre renforcer la superficialité du propos politique/sociologique défendu. jsp trop ma position quant à ce point?
en bref: du potentiel, mais bizarrement exploité, un ton d’à peu près qui dénote négativement de l’écriture et des ambiguïtés problématiques qui auraient pu être évitées. Toutefois, sujet d’écriture qui prend le contrepied de la grande tradition littéraire, revalorisation par la mise en écrit du trivial, du quotidien, du populaire. Et bien évidemment critique (bien que légère) du capitalisme et de l’idéologie consumériste.