A review by spacestationtrustfund
Britannicus by Jean Racine

3.0

J'embrasse mon rival, mais c'est pour l'étouffer.
(Acte IV scène III)
...sans doute, mon pote, quoi que tu dises.

« Toujours la tyrannie a d'heureuses prémices » : cette déclaration est peut-être le thème central de la pièce. Racine termine sa préface à la pièce par l'affirmation homine imperito nunquam quidquam injustius (quel bon début à mon avis).

Au début, on se trouve dans le palais de Néron, l'infâme empereur romain, dans lequel se déchaînent la violence, le sadisme, la cruauté. On se rencontre Agrippine (une mère autoritaire et possessive), Néron lui-même (son fils sournois et pervers), le Britannicus éponyme (un vertueux demi-frère par alliance, et l'héritier du trône légitime), sa fiancée Junie (une jeune femme enlevée en pleine nuit), et Narcisse et Burrhus (deux gouverneurs dont on a bien du mal à savoir s'ils sont les nobles caractères ou les politiques imbéciles).
Acte I (4 scènes) — Agrippine, au petit matin, attend une entrevue avec son fils, l’empereur Néron, qui, sans prévenir sa mère, vient d’enlever Junie, l’amante de Britannicus ; celui-ci, fils de Messaline et de Claude (mort dans des conditions douteuses, sans doute empoisonné par Agrippine), est à ce titre prétendant légitime au trône ; mais Agrippine l’a écarté du pouvoir au profit de Néron, né d’un premier mariage avec Ahenobarbe cité dans la pièce. Néron, par l’intermédiaire de son gouverneur Burrhus refuse l’entrevue. Agrippine, inquiète de voir s’affaiblir la tutelle qu’elle exerce sur son fils, informe Britannicus du sort de Junie et lui propose son soutien contre Néron. Britannicus accepte, encouragé par Narcisse, son gouverneur, en vérité un traître à la solde de Néron.
Acte II (8 scènes) — Averti par Narcisse du complot qui se trame, Néron projette de répudier sa femme Octavie pour épouser Junie. Celle-ci, malgré les galanteries de Néron, lui refuse sa main. Néron lui ordonne alors de rompre avec son amant, dont la vie dépendra de cet entretien. Elle doit affecter devant Britannicus une froideur qui le désespère sans pour autant réussir à apaiser Néron, qui observe la scène en cachette.
Acte III (9 scènes) — Tandis que Burrhus ne parvient à apaiser ni Agrippine ni Néron, Junie révèle à Britannicus le stratagème de Néron. Mais ce dernier, averti par Narcisse, survient et fait emprisonner son rival, tout en maintenant Junie enfermée au palais.
Acte IV (4 scènes) — Agrippine rencontre enfin Néron et le contraint, par un long plaidoyer-réquisitoire, à lui promettre de se réconcilier avec Britannicus lors d’un festin prochain, promesse qui n’est que feinte de la part de Néron. Si les adjurations de Burrhus parviennent à ébranler Néron, Narcisse finit toutefois par le confirmer dans sa décision de tuer son rival.
Acte V (8 scènes) — Tandis qu’Agrippine se félicite de sa victoire sur Néron, Burrhus vient annoncer que Britannicus a été empoisonné lors du festin : Narcisse est déchiré par la foule, Junie s’enfuit chez les vestales, où le mariage est interdit, et Néron, maudit par sa mère, s’abandonne à un désespoir farouche.
Dans cette pièce Racine traite pour la première fois du domaine de la tragédie romaine (domaine qui a fait la gloire de Pierre Corneille). Racine a choisi de mettre en scène un épisode clé du règne de Néron : en 54 après J.-C., à dix-sept ans, il a été acclamé empereur par l'armée grâce à sa mère Agrippine qui a empoisonné Claude et écarté Britannicus du trône (acte IV, scène 2). Avec sa pièce, Britannicus, Racine cherchait à réorganiser l'Histoire ; tout en maintenant une intrigue politique, il y superposait et incarnait un conflit psychologique.

Ce thème des frères ennemis oppose droit du sang et droit de la loi. Bon empereur, Claude a toujours respecté la loi. C'est Britannicus, le fils légitime qu'il a eu avec Messaline, sa troisième épouse, qui à sa mort régnera. Certes il a reconnu Néron, le fils d'Agrippine, sa quatrième épouse, comme son fils, mais pas question qu'il règne. C'est Agrippine qui impose Néron, et dans Britannicus Racine montre Néron la nuit de son premier crime. En tuant Britannicus, son rival le plus dangereux, le nouvel empereur se débarrasse de celui qui pourrait empêcher sa toute-puissance tyrannique de s'affirmer.

La pièce peut être lue dans son intégralité ici sur Wikisource, mais la mise en forme est un peu foutue, ce qui la rend difficile à lire.