A review by philtatosaxiom
Le désert des couleurs by Aurélie Wellenstein

4.0

“Il aurait pu se limiter aux beaux moments, la reconstruire dans la meilleure version d’elle-même, mais il savait que c’était une erreur et qu’à terme, sans les ombres qui la constituaient, elle finirait par se dissoudre dans sa propre lumière.”

TW: flashbacks d'un viol, d'un inceste (tous les deux nuancés, pas de mots crus), violence, sang, mort

4.5 étoiles

Pourquoi pas cinq me direz-vous, simplement parce que ce livre a ouvert en moi une plaie que j’avais longtemps repoussée. Et genre, j’avais pas demandé à souffrir moi (en tout bien tout honneur, parce que ce livre est purement incroyable!).

Dans Le Désert Des Couleurs on suit deux protagonistes, Kabalraï et Irae, ainsi que Secrétaire, leur messager-solitaire vraiment attachant. Tous trois vont évoluer dans un monde post-apocalyptique où le sable a recouvert le monde pour une raison qui leur échappe mais qu’ils découvriront au fil des pages. Kabalraï n’est pas un homme comme les autres, c’est un mimorian, c’est-à-dire qu’il est le fils du marchant de sable et d’une femme, emmurée dans un volcan éteint, perdu au milieu de ce monde hostile. Les deux compères vont se retrouver avec la lourde tâche de devoir parcourir ce sable coloré, rempli de pensées de défunts du passé afin de trouver une issue à leur communauté, quotidiennement menacée par la montée du désert.

Ce qui m’a vraiment emportée dans ce récit, ce sont les divers paysages et autres phénomènes fantastiques qui pleurent le désert. Je persiste à dire qu’une adaptation cinématographique serait immensément incroyable (je peux concevoir que le budget SFX serait démesuré…). Ce roman est une pléthore de couleurs, de formes, d’odeurs, de sons et de matière. Tous les sens sont sollicités dans ce périple à travers dunes et… dunes. Parce qu’il n’y a pas grand chose qui peuple de terrain hostile. Enfin, si, mais un simple passager ne saurait apprivoiser les différents lieux que ce désert cache en son cœur.

J’ai beaucoup aimé la personnification du désert : il est hostile, dangereux, inhabitable et il menace le lien que les deux personnages tentent sans cesse d’explorer. Veut-il l’effacer, d'exacerber, ou les détruire tous les deux ? Il est important de souligner que certes, le schéma narratif peut sembler redondant une fois que Kabalraï et Irae entament leur pèlerinage, mais cela ne m’a pas trop dérangée. La narration reste encore diverse pour établir une différenciation entre les évènements différents.

Il est difficile d’aborder le dernier sujet qui m’a profondément émue dans ce livre sans en dévoiler certains aspects, mais qui sont quand même amenés très tôt dans le récit. L’autrice explore un lien frère-soeur vraiment très intéressant dans la mesure où le lien du sang ne fait pas tout. Et cette notion m’a vraiment touchée, ayant moi-même cette expérience personnelle. Je n’avais encore jamais trouvé de roman esquissant ce thème. Une petite pépite !

J’aimerais terminer par souligner l’importance de certains paragraphes dans les remerciements de l’autrice : j’ai compris une autre dimension de ce livre une fois fini, et je pense que c’est la meilleure manière de l’aborder. Plongez-vous y, à l’inconnu, pour enfin déchiffrer le double sens de ce roman.