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Les justes by Albert Camus

3.0

C'est cela l'amour, tout donner, tout sacrifier sans espoir de retour.
À Moscou, en 1905, un groupe de socialistes révolutionnaires projette d'assassiner le grand-duc Serge, qui gouverne la ville en despote, afin de lutter contre la tyrannie exercée sur eux. Dora et Kaliayev, deux perpétrateurs, sont amants : Kaliayev, un jeune terroriste, lancera la bombe ; Dora restera en arrière, mais c'est elle qui a fabriqué les bombes servant à l'attentat. Kaliayev est emprisonné ; la grande-duchesse Élisabeth lui propose d'être gracié, mais il refuse : il est pendu. Dora, à la fin, s'apprête à faire le prochain attentat et peut ainsi rejoindre Kaliayev.

À un moment donné, Kaliayev, l'idéaliste, exclama :
J'aime la vie. Je ne m'ennuie pas. Je suis entré dans la révolution parce que j'aime la vie.
Mais son pair, Stepan, lui répondra qu'il:
[...] n'aime pas la vie, mais la justice qui est au dessus de la vie.
Voici, le conflit sur lequel Camus réfléchit : les limites de la liberté et de la justice dans la société humaine. La bombe seule est révolutionnaire, quelqu'un dit, et la liberté est un bagne aussi longtemps qu'un seul homme est asservi sur la terre. Est-il justifié de tuer des jeunes enfants ? Ou les spectateurs innocents ? Un révolutionnaire dogmatique comme Stepan pourrait dire oui, si cela sert la cause à laquelle il croit ; mais un humaniste strict pourrait dire non, car pour avoir une cause éthiquement fonctionnelle, il faut rester innocent des crimes dont vous accusez les oppresseurs, sinon on deviendra bientôt l'un d'entre eux. Mais à la fin de tout cela, Kaliayev fait exploser la bombe.

« J’ai seulement tâché à rendre vraisemblable ce qui était déjà vrai » : une paraphrase de les mots inflammatoires de le grand Boileau dans son « Art Poétique » :
Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable : le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Mais aussi, une touche des essais de Camus lui-même, particulièrement « L'homme révolté ».