A review by okenwillow
Un employé modèle by Paul Cleave, Benjamin Legrand

4.0

Un thriller pris à l’envers, du point de vue du tueur lui-même, qui, pour ne pas faire comme tout le monde va mener l’enquête ? Allez, soyons fous ! Joe Middleton nous entraîne dans son délire avec une efficacité redoutable. Le lecteur suit le mode de pensée de Joe, alias Joe-Le-Lent, officiellement homme de ménage intellectuellement déficient, et partage ses réflexions personnelles sur le monde qui l’entoure. On découvre une personnalité complexe et absolument flippante. Joe est un vrai misanthrope, ses seuls amis sont deux poissons rouges, Cornichon et Jéhovah, qu’il nourrit consciencieusement. Certains passages les concernant sont comiques et poignants à la fois.
Joe a la couverture idéale, il peut suivre au jour le jour l’avancement de l’enquête sur les meurtres qu’il commet, sauf qu’on lui met aussi sur le dos un meurtre dont il n’est pas l’auteur. Entre deux victimes, notre Joe va donc mener sa petite enquête.
On accroche à l’histoire dès le début, et malgré un gros ressort qui arrive comme un cheveu sur la soupe (l’introduction de Mélissa est complètement hallucinante, d’une invraisemblance presque vexante), on adhère jusqu’au bout. Malgré aussi un personnage encore plus détestable que Joe lui-même. J’ai trouvé Sally insupportable de niaiserie, mais son rôle est tellement essentiel qu’on lui pardonne ses bons sentiments et sa culpabilité maladive. On en vient à la détester autant que Joe la méprise. Ce dernier, à travers son prisme délirant, ne voit en Sally qu’une attardée mentale.
Bref, notre tueur, contrairement à Dexter (auquel on ne peut s’empêcher de penser) ne se donne pas d’excuses ou de prétexte pour tuer. On se demande même pourquoi il ne se lâche pas carrément en achevant sa vieille mère, elle aussi, un personnage pénible et pathétique. Mais Joe aime sa maman, il va dans son sens, essaie de ne pas trop la contrarier, joue son rôle de fils, et reprend sa vie normale de tueur. Son attachement à sa mère, ou à ses poissons rouges est presque attendrissant, il le rend vaguement humain. On comprend vite la logique de son comportement envers les gens en général, et les femmes en particulier.
Ça n’a pas l’air comme ça, mais il y a beaucoup de subtilités dans ses propos, dont seul le lecteur peut mesurer le sens et l’importance.
L’intrigue est échevelée, pleine de violence et de tragédie, le rythme ne faiblit pas et le final est apocalyptéosique (© tous droits réservés sur ce mot).
Un superbe thriller intelligent qui nous plonge dans l’esprit du tueur et dans ce qu’il a de plus sombre, et aussi de plus humain. Un peu.